Angles d’attaque

Présentation de la galerie dans la Libre Belgique

 

« Pas plus que la pipe de Magritte, ceci n’est véritablement une galerie ! Nous vous en avions parlé avant l’été pour vous dire déjà tout le bien que nous pensions d’une initiative menée tambour battant par des accrocs de l’art qui ose descendre dans la rue pour dire de quoi sont faits certains lendemains sans beaucoup d’issue.

Sis dans un espace culturel ouvert à de multiples expressions, ce lieu utilement alternatif est conduit par douze bénévoles conscients d’une mission. Parmi eux, trois photographes (Carlo Werner, Olga Caldas et Bruno Dubreuil) qui sont aussi les programmateurs des expositions. Tout est ici orienté pour et vers les artistes et les ventes éventuelles leur reviennent. L’amour de l’art en somme et le souci des autres. On comprend, dès lors, fort bien que leur programmation soit à l’aune de leurs aspirations. La preuve, une fois de plus, et comment ne pas soutenir l’initiative, avec trois photographes, jeunes et moins jeunes, qui se penchent sur l’exclusion dont sont victimes des immigrés sans ressources ni horizons. En l’occurrence, ici, des Afghans, réfugiés politiques, en attente, à Calais, d’un hypothétique sésame pour l’Angleterre.

D’autres qu’eux ont aussi photographié ces camps du trois fois rien, cabanes de loques et bouts de bois, cuisines d’infortune et, pire, vastes champs de rebut quand la foudre policière a rasé le camp ! Virginie Laurent, la benjamine du trio, a saisi, en couleurs et en noir et blanc, le camp de Cherbourg après une destruction : mur gris, chiffons colorés, objets épars. Elle a aussi agrandi, recadré, jusqu’à la rupture des images parues dans la presse, et publié un cahier d’entretiens avec des « exclus ». Denise Pégeot, la trentaine, a renoué avec la photo argentique en grand format et en noir et blanc, et le tirage sur papier baryté pour nous confier, de plein fouet, des portraits d’Afghans en attente ou hagards « Ce qu’il y a de pire dans la guerre – dit-elle -, c’est que l’on force des personnes à la subir! »

Enfin, Anthony Jahn, l’aîné, a réalisé un long travail sur le réseau français Education sans Frontières qui œuvre à la régularisation de jeunes majeurs et de parents d’enfants scolarisés « sans papiers ». Son regard, démultiplié par un assemblage d’images qui s’entrechoquent, témoigne de l’imbroglio des situations. Trois photographes qui s’interrogent sur des réalités criantes pour que l’on ouvre mieux l’œil sur une vérité qui fâche. Du bel ouvrage de grand fond. Et un lieu d’expression qui mériterait d’être davantage soutenu pour pouvoir étendre sa prospection, ses mises à l’œuvre. Pourquoi faut-il que l’art et la culture soient trop souvent le fait de bénévoles, quand des soutiens exorbitants favorisent le toc ! »