Décoractif

Décoractif

Carton Recto  Carton Verso

 

Ji-yun, Claire Chandelier, Sunyoung Whang

Exposition du 3 avril au 2 mai 2009. Vernissage jeudi 2 avril de 19h30 à 22h. 

 

On a des projets. C’est la saison qui veut ça. On repeint, on rénove, on embellit, on meuble, on décore. C’est qu’on y tient à son intérieur.

Le décor donc. On mettrait bien « ça » dans son salon. C’est dire combien la forme est séduisante mais inoffensive. Car enfin, qui organiserait, dans son intérieur, la contestation de soi-même ?

En marge d’une époque qui adore le décoratif. Mais aussi en confrontation avec une histoire de l’art qui, depuis un siècle en a fait un tabou, oblitérant ainsi toute réflexion sur le décor, les trois artistes de l’exposition Décor actif ont choisi une troisième voie : se donner des apparences décoratives, pour entrer dans une relation ambiguë avec le décor, peut-être pour mieux le subvertir.

 

Ainsi, les « Plans-Réseaux » de Claire Chandelier (présentés dans l’exposition sous forme de maquettes et de vidéo) paraissent-ils, au premier abord, dessiner une esthétique bien sage, entre le papier peint Belle Epoque et la tenture japonaise. Mais qu’on s’y arrête un peu plus longtemps et l’on verra les formes proliférer et s’enchevêtrer. La surface est envahie, les plans se contredisent, ce qu’on croit saisir se dérobe. Le regard n’embrasse rien, il dérive, pris dans des remous vénéneux. Quelque chose de floral, d’aquatique : on pense au nénuphar, celui de « l’Ecume des jours », le roman de Boris Vian.

Des suites d’images simples, dépouillées, retenues. Les assemblages photographiques de Sunyoung Whang se déploient dans une abstraction formelle qui occulte d’abord leur sujet. Et si leur auteur affirme son lien avec « un système décoratif répétant un motif similaire, tel un textile, utilisant aussi l’inversion, l’alternance et la symétrie », sa quête est celle de « la véritable réalité ». On comprend dès lors que la mise en relief de la longue bande intitulée « L’Echo » n’est pas un pauvre effet de redoublement de cette réalité, mais bien plutôt une façon de reconduire notre perception vers cette réalité. Motif récurrent des photographies, les stries des marches d’escalier mécanique. Il est bien question de cela : un corps immobile, un regard qui glisse, chemine vers autre chose.

Rondes, spirales, étoiles : c’est encore un travail sur la forme que semblent nous proposer les photographies de Ji-Yun, qui nous plongent dans le bain des chorégraphies aquatiques d’Hollywood (Esther Williams, Busby Berkeley). Mais il y a autre chose. Coréenne (comme Sunyoung Whang), elle mène aussi une recherche sur le signe et le corps : « l’inscription du corps dans l’espace photographique, dans le cadre, me préoccupe particulièrement. J’y vois un lien avec la calligraphie coréenne dans laquelle l’écriture doit s’inscrire dans un cadre carré et respecter un jeu d’équilibre subtil entre le plein et le vide ». Rondes, spirales, étoiles : là encore, il faut y regarder à deux fois pour qu’une chorégraphie de corps dévoile ses ambiguïtés, pour que des spirales de chevelures nous retiennent captifs de leurs tentacules, pour qu’une coiffure apprêtée prenne vie et se mette à ramper comme un crabe. Malaise et beauté.

De pures formes. De vraies formes : solides et liquides, ambiguës, signifiantes. Agissantes. Le décor actif, enfin.

 

Bruno Dubreuil / Immixgalerie

Claire Chandelier / Sunyoung Whang / Ji-Yun

 


Accrochage

 


Vernissage