Photo culinaire : pas si alimentaire !

Photo culinaire : pas si alimentaire ! février 2016

Photographies et vidéos de Anna Caballero, Danling Xiao, Christl Exelmans, Emmanuel Pierrot, Florent Tanet


La photographie culinaire serait-elle condamnée à être fonctionnelle ? A faire briller les textures et exalter les sucs ? A velouter les produits d’un flou délicat ou à les napper de couleurs acidulées ? Ou encore à sublimer les plats pour en faire des abstractions baroques, si bien qu’on croirait manger des images plutôt que de véritables aliments ?

Pour échapper aux académismes d’un genre trop bien codifié, il est possible d’inventer d’autres chemins créatifs. Car l’aliment est emblématiquement de la matière destinée à être transformée : donc ouverte à toutes les lectures et expériences artistiques.

La cuisine : thème inépuisable tant les correspondances avec l’art semblent nombreuses. Et quoi de plus logique puisqu’il est question de gestes, de rituels, de recettes ou d’inspiration, de résultat final, mais surtout, de plaisir gustatif. Comme n’importe quel organe, l’oeil et le cerveau se nourrissent, digèrent, éliminent, assimilent. Et ils ont faim.

Ainsi la nourriture permet-elle de retrouver le jeu de l’enfant qui trace des routes sinueuses à travers son monticule de purée. Découpe un légume pour y découvrir une forme figurative. Evide un fruit pour y révéler un visage. Et fait de son assiette la page blanche de ses inventions. Les formes se précèdent, dialoguent, s’imbriquent. Les gestes peuvent être virtuoses ou minimaux : un monde naît à partir de presque rien.

Du jeu à l’invention surréaliste, il n’y a qu’un pas. Et ce pas peut générer quelque chose d’aussi beau que la rencontre, sur un coin de table, d’un révolver et d’une tranche d’emmenthal. Une poésie toute en équilibre quoique pimentée, qui se laissera déguster suavement.

Mais avant et autour du goût, il y a le rituel : celui de la préparation du plat, minutieusement programmée, dessinant une géométrie du quotidien aux couleurs du réel. Puis le rituel du dressage de la table. Enfin l’assiette est prête. Et c’est alors toute une sociologie qui apparaît, toute une manière de regarder ce que l’on va ingérer. Seul, à deux ou en groupe, c’est le rituel du partage, différent suivant les âges, les modes de vie et les cultures. Encore une histoire d’échanges.

Là est la vraie force de la matière : elle est capable de se plier à tous les codes d’un médium aussi étendu que la photographie. Abstraction, formalisme, documentaire, conceptuel, il y en aura pour tous les goûts : car tout l’art est dans la cuisine.

Bruno Dubreuil / IMMIXgalerie


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