Texte et photographie : l’image intermédiaire

Texte et photographie : l’image intermédiaire, novembre 2015

Photographies, textes et installations de Carole Coen, Bruno Dubreuil, Charlotte Novaresio, Olenka, Hugo Passarello Luna, Laura Todoran, Adrien Van Melle.


Les rapports entre texte et photographie n’ont pas toujours été simples. Les deux modes d’expression ont même longtemps semblés antinomiques, confinés à des formes mineures, tel le roman-photo. Comme si chacun, décrivant la réalité avec ses moyens propres, finissait par se déployer à l’exclusion des moyens de l’autre. Et quand ils se complétaient, c’était avec la simple ambition de créer une forme de récit, un succédané amoindri de la forme cinématographique.

Il a probablement fallu l’apport des séquences de Duane Michals, dans les années soixante, pour réveiller cette forme et révéler comment texte et photo pouvaient échanger et tirer parti l’un de l’autre.

Tirer parti, mais de quoi ? Justement, des limites de chacun. L’un reprenant le flambeau là où l’autre avait du l’abandonner, parvenu à l’extrémité de ce qui pouvait se dire ou se montrer. Mais aussi, tirer parti de possibles décalages entre les deux modes de description, l’un contredisant l’autre, ou le déplaçant. Le réel jouant à cache-cache (Joachim Mogarra), avec parfois une vraie dimension politique (les fausses publicités de Victor Burgin). Ou bien encore, utilisant l’inévitable focalisation qu’instaurait, au sein d’une photographie, la capture d’une lettre, d’un mot ou d’un slogan : une veine qui va du calembour surréaliste jusqu’aux panneaux d’entrée et de sortie du village d’Angoisse (632 habitants seulement) exploité presque littéralement par Edouard Levé.

Et puis, écrire sur, à côté, autour de la photographie permet aussi de faire entendre la voix qui manque au visuel : celle des protagonistes de l’image (Martina Bacigaloupo), ou celle du photographe qui commente sa photo, la documente (Philip Blenkinsop, Peter Beard et sa pratique proche du scrapbooking).

La photo seule ne saurait donc tout dire. Pas plus que le texte seul d’ailleurs. Et finalement pas plus que la réunion des deux. Mais alors, que chercher avec cette forme composite ? Un art littéraire. Non pas la littérature. Non pas la description photographique poussée à une telle intensité de détails qu’elle pourrait sembler déployer une sorte de texte visuel (ce que l’on pourrait dire de certaines photos de Jeff Wall, par exemple). Mais un art dont le propos serait de révéler la connexion intime entre ce qui se montre et ce qui se dit. Dont l’objet précis serait de dire à quel point l’image ne peut que s’écrire tandis que le texte ne peut s’imager. Entrelacer l’écrit et le visuel pour créer une sorte de forme intermédiaire, suspendue, n’existant presque que mentalement. Retenant un instant le discours qui cristallise le temps et la vision. L’expérience.

C’est à tout cela que vous invite cette exposition : diverses expériences, des récits, des formes exploratoires, des limites, des oeuvres vivantes plutôt que des produits finis.

Bruno Dubreuil / Immixgalerie


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