L’objet photographique

L’objet photographique, novembre-décembre 2016

Photographies et volumes de Mustapha Azeroual, Lionel Bayol-Thémines, Hélène Bellenger, Tiphaine Calmettes, Laure Chagnon, Marie Clerel, Bruno Fontana, Michel Le Belhomme, Gabriel Lupu, Doriane Souilhol, Mathieu Zurcher


C’est comme si la photo ne suffisait pas. A courir les foires et les biennales où se dessine la photo de demain, il semblerait qu’on en ait fini avec le rectangle à la surface lisse, devenu trop routinier. D’abord la photo s’est accouplée avec d’autres médiums (écriture, peinture). Puis d’autres matières sont venues se mêler à elle jusqu’à, parfois, occulter sa surface. Mais il fallait aller plus loin. Comme le personnage du film de Woody Allen, la Rose Pourpre du Caire, qui quitte l’écran pour entrer dans la salle et se mêler aux spectateurs, voilà que la photographie quitte le mur, rampe sur le sol ou se déploie dans l’espace. Ayant conquis la tridimensionnalité, voilà qu’elle devient objet.

Cette mutation de la photographie soulève plusieurs points importants :

. Elle s’appuie sur la matérialité de l’image, dès lors que celle-ci s’échappe des écrans digitaux (lesquels, malgré les poncifs sur l’immatérialité de l’image numérique, n’affichent pas moins une forme de matérialité certes différente, mais néanmoins indiscutable). Les objets photographiques sont autant de voies exploratoires des potentiels de cette matérialité.

. Elle dégage la photographie de la notion de point de vue unique. La plupart des objets présentés ici modifient notre positionnement dans l’espace. Ils s’appréhendent depuis différents points de vue, lesquels offrent toujours une forme d’incomplétude de la perception.

. La photo se changerait-elle alors en sculpture ? Pas si simple. Car si on voulait opposer l’illusionnisme de l’image à deux dimensions qui en créent une troisième (la fameuse perspective) au réalisme de la sculpture (réalisme de la représentation qui passe par le volume), nous en serions pour nos frais : l’objet photographique se développe presque toujours dans une troisième voie, ni illusionniste, ni réaliste. Disons qu’il se joue d’une réalité qu’il fait apparaître comme illusoire.

. Elle traduit une pratique basée sur la notion de pièce, d’oeuvre singulière, bien loin du diktat que la série exerce sur la photographie d’aujourd’hui.

. Enfin, elle reconsidère la valeur d’usage de la photo recouvrant des objets du quotidien. Nous vivons entourés de cd, livres, emballages alimentaires, etc. Sur chacun d’eux, des photographies. A travers eux, la photo se manipule, surgit à l’improviste ou se noie dans l’invisibilité de l’ennui. Autant d’usages qui ne relèvent pas de la contemplation artistique mais d’un côtoiement de l’image qui est une autre forme d’expérience. L’objet photographique réunit ainsi plusieurs modes d’expérience des images et des objets.

Ni expérimentation radicale, ni forme de « photographie augmentée », l’objet photographique est une pratique ouverte, qui n’a certainement pas fini d’élargir son champ d’action.

 

Bruno Dubreuil / Immixgalerie


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