Dissolutions
Parmi les différentes directions que suit la programmation de l’Immixgalerie, il y a celle d’une image photographique entre apparition et disparition. Comme un symbole, l’exposition qui avait ouvert la programmation, en 2007, s’intitulait : « La gravité de l’immatériel ». Et en 2012, « L’insaisissable » réunissait quatre artistes autour de la capacité de la photographie à fixer les phénomènes invisibles. Aujourd’hui, c’est la dissolution de l’image qui nous conduit aux limites du perceptible.
Depuis ses origines, l’image photographique a partie liée avec sa disparition, sa dissolution. Il suffit d’imaginer les premiers essais de tirage réalisés par Nicéphore Niepce vers 1825 : le voilà penché sur une image du réel, ce que plus tard il nommera héliographie et qu’encore plus tard, on appellera photographie. L’image, qui a mis plusieurs heures à se former, se dégrade d’heure en heure et va progressivement noircir jusqu’à disparaître complètement. C’est à cela que travaille surtout Niepce : parvenir à fixer l’image obtenue. C’est cette fragilité à tenir le visible que veut explorer cette exposition.
Rendre compte de la dissolution, de la disparition comme destin inéluctable de l’image et de ceux qui la font. Les sept artistes de l’exposition ont des approches différentes pour traiter la question :
La dissolution de la forme. Sunyoung Park creuse le réel comme des strates archéologiques : en faisant disparaître, peut-être donne-t-elle à voir plus.
Une approche liée aux éléments. L’élément liquide est présent dans plusieurs travaux : Hsinli Wang, déjà exposée plusieurs fois à la galerie, a fait de la buée son médium principal. Pauline Lavogez tente de dissoudre son corps dans l’eau ; avec Anaïs Descarpenterie, elle disparaît dans la brume. Elément atmosphérique pour Isabelle Giovacchini dont les contacts latents, images aériennes aux délicates teintes rosées (une technique si proche des recherches de Niepce) semblent en voie d’effacement.
Le même effacement progressif est à l’oeuvre dans les ouvrages de Lorraine Druon : l’image photographique peine à exister, elle tombe en ruines, devient si ténue et pourtant, dans quelques recoins de la page blanche, encore vivante.
Effacement de l’écran de la mémoire enfin : le moniteur vidéo de Pauline Lavogez retourne à son noir originel. Les photographies de Baptiste Henriot sont elles, gravées dans nos mémoires : elles portent le souvenir de ces icônes photographiques de la guerre du Vietnam, mais leur sujet s’est dissout pour ne laisser qu’un arrière-fond. Dissolution des images, des corps, entre mémoire et futur. Dissolution au présent. Comme une manière de dissoudre afin de mieux recomposer.