Le récit familial
Le récit familial, octobre-novembre 2017
Œuvres de Vlada Attali, Geoffroi Caffiery, Laure Chagnon et Bruno Dubreuil
La photographie a tous les pouvoirs. Celui de désigner, de synthétiser, de communiquer. D’interroger. Et même celui de réparer.
Depuis ses origines, la photographie a toujours été en charge du récit familial. Avant même qu’elle ne se popularise et déroule ses litanies de paysages de vacances et de gâteaux d’anniversaire, elle avait déjà cette capacité à tracer le cours d’une vie à travers quelques portraits liés aux étapes symboliques de l’existence.
Aujourd’hui, de nombreuses approches artistiques s’emparent des photos de famille et la prennent comme matière première. D’une part, parce quelles se plient avec souplesse à toutes les pratiques réappropriationnistes, étirant la gamme des interprétations depuis l’enquête historique ou policière (Virginie Rebetez « Out of the Blue ») jusqu’à la fiction décalée (une veine formidablement exploitée par Anne Delrez, directrice du Conservatoire National de l’album de famille, à Metz). D’autre part, parce que l’autobiographie ne se démode jamais (Lebohang Kganye « Ke Lefa Kaya »).
Pourtant, dans cette exposition, peu d’images relèvent de ce genre qu’est la photo de famille. Car il est ici plutôt question d’images qui seraient en charge du récit familial. Et d’abord, que veut dire cette notion de récit familial ? Ne serait-il pas, après tout, obligatoirement induit lorsqu’on est confronté à un ensemble de photos couvrant plusieurs années ? Certes, mais la plupart de ces récits s’élaborent mollement : le metteur en scène (l’opérateur-le père) et les acteurs (les modèles- l’épouse et les enfants) agissent sans connaître la totalité du scénario, comme dans un cinéma-vérité où les acteurs improviseraient chaque scène.
Ici, il y a un scénario. Qu’il coure sur des millions d’années (Laure Chagnon) ou sur quelques journées tragiques (Vlada Attali). Un scénario dont les origines, enfouies, doivent peut-être le rester, et dont la fin reste ouverte (Geoffroi Caffiery). Ici, le récit familial est passé par le filtre d’une écriture, pour prendre forme et s’organiser. Pour créer un autre sens que celui de l’inexorable fuite du temps.
D’une certaine façon, on pourrait dire que cette exposition creuse la même veine que « Texte et Photo » (présentée à l’Immixgalerie en novembre 2015), tant elle s’appuie sur les mots. Car il ne faut pas exiger de la photographie qu’elle soit en mesure de porter en même temps son contexte et son hors-champ. Ici, elle s’inscrit à l’intérieur d’un processus narratif. Elle en constitue les jalons, s’entremêle avec les mots pour devenir, elle aussi, un élément syntaxique.
Pour ma part, je crois n’avoir qu’un petit nombre d’histoires à raconter. Des histoires chevillées au corps, des histoires nécessaires. Celles où la vie a tellement débordé qu’elle aurait menacé de nous emporter si nous n’avions pas été capables de les articuler pour leur donner un sens et les maintenir à distance.
Ces histoires, elles sont là, aujourd’hui, devant vos yeux.
Bruno Dubreuil / Immixgalerie
Accrochage
Vernissage