L’épreuve du travail
L’EPREUVE DU TRAVAIL
Guénael Beschi, Nicolas Durand, Marina Ribeiro, Vincent Vanberkel
Exposition du 4 au 26 février 2011. Vernissage le 3 février 19H30 – 22H
L’art n’a jamais refusé de s’intéresser au travail, de se le donner pour objet d’étude ou de représentation. Mais dans notre monde contemporain, et plus particulièrement en photographie, cette représentation intervient majoritairement dans le secteur tertiaire ; et c’est comme si l’absence de représentation du travail ouvrier finissait par attester de sa disparition. Mais justement : le travail ouvrier ne disparaît pas. Et les quatre artistes de cette exposition lui donnent une nouvelle visibilité, chacun entretenant un lien serré avec ce monde du travail.
Guénael Beschi a acquis auprès de son père, artisan marbrier, une longue expérience de manœuvre. Il a fait du labeur, de ce que l’épreuve physique creuse dans les corps, dans la terre ou dans le métal des outils, sa matière artistique. Le contact avec la matière s’exprime sous forme de documents photographiques ensuite redessinés puis gravés (et dans ce travail très physique, les entailles que l’artiste grave sur la plaque redoublent celles que le temps, les chocs et l’usure ont portés sur le corps ou le métal), et enfin tirés sur papier. Les Mains, massives, marquées par une vie d’efforts, cherchent l’objet sur lequel exercer leur force. Les Pelles imposent leur découpure brute : leur aspect strié, griffé, corrodé, nous les présente comme des torses torturés mais inébranlables.
Sur un chantier, le coffreur réalise les boisages dans lesquels sera coulé le béton armé. Il porte des charges, travaille en plein air, sur des échafaudages. Son action est capitale pour les fondations d’un ouvrage. Ce fut longtemps le métier de Nicolas Durand. Ses vidéos transforment ce rapport au travail physique : un empilage de parpaings se défait et se recompose ; un tas de sable, s’amenuisant au fur et à mesure de son déplacement, glisse tout seul vers le lointain ; un tas de palettes semble doué d’une vie autonome. On est très proche de ce cinéma d’animation un peu naïf, rythme saccadé et images sautillantes. Dans cette dérisoire absurdité du mouvement, les efforts nécessaires sont rendus invisibles : il s’effacent au profit d’une légèreté qui contraste singulièrement.
Marina Ribeiro a, elle aussi, arpenté les chantiers, s’attachant plus particulièrement aux structures, aux armatures, développant ainsi une métaphore précise entre les fondations apparentes dans un chantier (mais qui ensuite, disparaîtront au profit de ce qui s’érige) et la construction d’une image, sa structure interne. Avec la conviction que l’ensemble de l’ouvrage n’est possible que parce que l’homme est le point de convergence de tout ce qui s’établit, que ce soit le travail manuel ou la mise en œuvre technique. C’est pourquoi la série s’intitule Homme-Chantier. Et il n’est pas anecdotique que, parmi les portraits d’ouvriers, figure celui du père de l’artiste.
Une forme hante les photographies de Vincent Vanberkel. Que sont donc ces monticules qui ont surgi dans ces plats paysages ? Vestiges archéologiques ? Poussée tectonique ? Non, ce sont des terrils, rebuts des anciennes exploitations minières aujourd’hui abandonnées, laissant des populations entières dans le désoeuvrement. Que reste-t-il alors du travail ? Comment en conserver la trace et la convertir de façon à ce que sa valeur historique et culturelle perdure ? Ces questions sont au cœur de l’activité professionnelle de V.V (l’aménagement paysager) et ses implications sociales en constituent un enjeu majeur.
Oui, l’art ne cesse de jouer son rôle : nous faire éprouver, ici l’effet physique du travail, et nourrir notre réflexion sur l’évolution de nos sociétés.
Bruno Dubreuil / Immixgalerie
Guénael Beschi / Nicolas Durand / Marina Ribeiro / Vincent Vanberkel
Accrochage
Séminaire 10.02.2011