Tissage synthétique
Tissage synthétique : 9 novembre au 15 décembre 2018
Le tissage, procédé de « production de tissu dans laquelle deux ensembles distincts de filés ou fils sont entrelacés pour former un tissu »1, est une activité qui consiste à lier entre eux des éléments distincts pour un résultat nouveau, une forme inédite, qui est plus que la simple addition des éléments qui la constituent. L’analyse de ce geste fondamental en fait la matrice de tout acte artistique, dans la diversité de ses techniques et de ses formes, qui est toujours une forme de synthèse.
L’art, dans la diversité de ses supports, peut être vu comme ce qui relie des éléments pour les amener à une forme, une force et une signification nouvelle. De même que le récit, selon l’approche qu’en donne Aristote dans sa Poétique, relie du divers en un tout cohérent, la photographie offre en un instant condensé une diversité d’éléments dont l’agencement produit du sens, par l’évocation d’une sensation, l’illustration d’une idée ou encore l’imbrication de différentes histoires et parcours.
Au début du siècle dernier – dans un geste qui était une forme de réponse à la photographie émergente – le cubisme a souligné que la fonction de l’art ne résidait pas nécessairement dans un travail de reproduction du réel, mais en un travail de composition et de recomposition de celui-ci, au prisme d’un média spécifique, pour l’amener à une nouvelle forme de signification. Lors de sa phase synthétique, le cubisme, prolongeant le travail de décomposition des objets, ouvrait une nouveauté radicale : l’introduction d’éléments extérieurs à l’œuvre d’art, par exemple un journal, dans l’œuvre elle-même, pour faire œuvre.
Cette technique, consistant à introduire l’élément lui-même dans sa représentation, a trouvé de nombreuses prolongations dans les décennies qui ont suivi, et trouve un nouvel essor avec le numérique, qui étend le champ des objets par leur reproduction à l’infini, dans un flux constant. L’art se construit à partir de citations, et de références qui se reproduisent.
Avec le sampling, la musique s’est ainsi par exemple ouverte à l’introduction d’éléments extérieurs, issus de la réalité ou directement d’autres œuvres. Le numérique facilite et multiplie le champ des transformations possibles des images, dans le même temps qu’il bouleverse le cadre traditionnel de la représentation en modifiant la structure même du réel.
Le réel est désormais tout autant façonné par l’environnement concret que par les artefacts numériques, qui l’analysent et le peuplent. Dans ce contexte, l’art numérique peut explorer la représentation tant des objets que de leur représentation, dans une forme de mise en abyme, qui permet notamment à la photographie de se faire sans appareil de capture, mais par la jonction d’images déjà existantes, pour en révéler de nouvelles facettes.
Les œuvres exposées prolongent cette dynamique. Elles explosent les cadres de la photographie, voire s’en jouent intégralement. En prenant appui sur les techniques modernes de retouche photographique, elles font acte de création en reliant des éléments. L’agencement, le rapprochement opéré grâce à des logiciels permet la création de formes inédites, porteuses de leur signification et expérience esthétique propres.
Qu’elles soient construites sur une rigueur géométrique, autour de la répétition et de l’exploration de formes ainsi que de leur mouvement, ou s’inscrivent dans le foisonnement, autour de formes qui se dissolvent et semblent être interrompues dans leur flux, les œuvres exposées composent, décomposent et multiplient les références, pour faire sens, en renvoyant à des références culturelles, à notre condition, aux éléments fondamentaux et nous mettent face à des questionnements existentiels, scientifiques ou environnementaux.
Déjà dans les années 90, peu de temps après la sortie des premiers appareils numériques grand- public, avec, entre autres, sa série « Modules, Images », Jean–Louis Garnell a eu l’intuition des possibilités et spécificités du sampling visuel, tel qu’on pourrait le nommer. Nous sommes heureux de pouvoir présenter une partie de ce travail de précurseur aux côtés de Iris Crey, Françoise Eckart et Negin Daneshvar–Malevergne, qui explorent actuellement, avec talent, ces possibilités comme moyen d’expression essentiel.
Bastien Engelbach / IMMIXgalerie
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