La photographie au scalpel

LA PHOTOGRAPHIE AU SCALPEL

 

Carton recto  Carton verso

 

Saïdia Bettayeb, Alice Lescanne, Eva Nielsen, Constance Nouvel, Maya Touam.

Exposition du 8 au 27 novembre 2010, vernissage 7 octobre 10h30-22h.

 

Pendant un siècle et demi, une photographie était toujours et avant tout ceci : une surface. Une surface traversée par un processus (de la prise de vue au tirage) et une matérialité (tirage ou reproduction). A l’heure où elle perd de plus en plus sa matérialité pour devenir une surface-écran, l’exposition « la photographie au scalpel » interroge cette notion de surface, notion-clef de la photographie et peut-être encore féconde pour son évolution.

 

Depuis son origine donc, une surface. Et ce n’est pas un hasard si Saïdia Bettayeb a voulu renouer avec la technique du cyanotype. Les images de la série Bain de Minuit  flottent entre lumière et pénombre. L’éclat de quelques spots et leur reflet sur le sol dessinent l’espace de la boîte de nuit et du dance-floor désertés. L’œil oscille entre glisser sur la surface lisse ou s’engloutir dans l’épaisseur poisseuse du cyanotype.

Mais déjà l’intérieur afflue à la surface. Les dessins de Maya Touam ont partie liée avec la photographie. Etrange retournement qui fait que certaines spécificités du rendu de la photographique finissent par devenir un modèle pour le dessin : le grain argentique, si subtilement recréé au fusain ; et le flou, car les formes estompées sont à la fois une pure apparence et en même temps une image intérieure, comme une surface radiographiée.

Alors, inciser la surface, soulever la couche externe et étudier comment s’articule le rapport intérieur/extérieur. C’est tout ce travail de construction et déconstruction de l’image auquel se livre Constance Nouvel. Ainsi, les différentes couches d’image qui composent ces œuvres (Double-fond ou Désoeuvrer le tableau) nous suggèrent-elles que notre perception des images vient toujours se oger dans les interstices ; ceux qui se créent entre ce qui est représenté, ce qui nous parvient, et ce qui en subsiste.

Ou encore creuser l’image pour y greffer une autre image. C’est la pratique d’Alice Lescanne qui présente une série d’objets photographiques résultant d’un voyage américain. Dans chaque photographie, un « contenant » est évidé et ouvre sur un contenu hétérogène (sur l’une d’elle, un orage se déclenche à l’intérieur d’un camion), créant ainsi un espace de narration qui se noue entre les deux images. Deux vidéos seront également présentées dans l’exposition : plutôt que dans le défilement des images, comme le cinéma nous y a habitués, les coupes (indécelables) interviennent ici à l’intérieur même de la surface.

Enfin, autopsier l’image photographique. Mettre à nu ses nerfs, ses vaisseaux et son squelette, c’est ce qui est au cœur du processus de création des peintures d’Eva Nielsen. Un travail d’après photographie, s’appuyant sur la sérigraphie, le recouvrement de certaines parties (masquées par du scotch), puis le geste pictural et enfin, le dévoilement de l’image entière. Réalisme photographique et expressivité picturale opèrent ici une fusion teintée de mélancolie.

Attaquer la photographie de l’intérieur, la disséquer, la corrompre, lui redonner une autre vie.

 

Bruno Dubreuil /Immixgalerie

SaïdiaBettayeb / Maya Touam / Constance Nouvel / Alice Lescanne / Eva Nielsen


Vernissage